Interview de Christophe Lamon, CEO de SwissmeFin

Fondée en 2007 au Moyen Orient par deux anciens seniors Arthur D. Little en Asie et en Suisse, SwissmeFin SA est une société de conseil pour les décideurs, plus particulièrement dans la fonction publique et les banques. 

Forte de 9 consultants managériaux et d’un réseau d’une vingtaine de consultants spécialisés (M&A, Fiscaux, juristes, Marketing, Communication), SwissmeFin soutient et accompagne les administrations publiques, les banques et des sociétés dans les situations compliquées. Particulièrement active en Suisse romande depuis 5 ans, SwissmeFin a des bureaux en Valais et à Genève, ainsi qu’un bureau de représentation au Moyen-Orient.

SwissmeFin est l’un des partenaires de Valais Network depuis ses débuts. Interview de son CEO, Christophe Lamon sur sa vision de l’entreprise et l’économie.

Quels sont vos défis en tant qu’entrepreneur ?

A l’instar des cabinets d’avocats, les sociétés de conseil managériales de niche comme SwissmeFin sont très étroitement liées à la personnalité de leurs fondateurs. A 50 ans, le premier enjeu réside désormais dans la capacité à institutionnaliser et à pérenniser la société sans en diluer le savoir-faire. Toute la politique de recrutement actuelle s’inscrit sous le signe de la pérennité avec la recherche de profils seniors et expérimentés mais aussi de profils juniors qui pourront porter SwissmeFin et ses valeurs dans le temps. 

Depuis 2007, les équipes de SwissmeFin ont conduit des missions dans plus de 28 géographies et sur 4 continents, pour des têtes de grands groupes bancaires comme pour des boutiques de gestion, pour des gouvernements comme pour des communes valaisannes. Dans la diversité de ces missions, la culture du résultat, l’approche franche et directe ainsi que l’abnégation face à la tâche apparaissent systématiquement dans les retours qui nous sont faits. 

Conserver et inculquer cette culture tout en restant plus local est la deuxième gageure. sans quoi nous devrons aller chercher cette diversité des expériences dans le nombre de collaborateurs alors qu’actuellement cette expérience multiple est concentrée par chacun des séniors, à la différence de groupes de conseil ou les pratiques sont essentiellement segmentées.

Le troisième enjeu concerne l’arrivée de l’IA (intelligence artificielle) et qui est en train de révolutionner l’activité de conseil sur mesure que nous pratiquons. Initialement perçue comme un outil de facilitation pour livrer, il devient désormais « un challenger » de nos analyses et de nos propositions de concepts. La subtilité réside dans notre capacité à intégrer l’IA dans notre modèle opérationnel pour capitaliser sur cette nouvelle source d’intelligence et de savoir-faire, tout en se rappelant que même si l’IA est capable d’apporter des solutions à des problèmes de plus en plus complexes, elle ne perçoit pas (encore) les émotions de nos clients lorsqu’il se retrouvent face à la presse, devant le Grand-Conseil ou devant une assemblée d’actionnaires et qu’ils doivent défendre ou assumer une décision. C’est pourquoi, au lieu de rivaliser avec l’IA, chez SwissmeFin nous orientons toujours plus l’apprentissage sur ce qui nous différencie, à savoir la relation humaine et une culture d’interaction étroite avec le client et son écosystème. 

L’économie 5.0, l’ère du digital, tout en plaçant l’environnement et la personne au centre de l’entreprise. Quelle signification pour vous ?

Pour nous ce n’est pas qu’un concept théorique, c’est une réalité de notre époque à laquelle toute entreprise doit faire face, traduit en un programme européen qui véhicule le bon sens paysan que nous portons depuis toujours, à savoir qu’il faut faire les choses pour qu’elles s’inscrivent dans la durée.

Par contre, contrairement à ce qui est mis explicitement dans le programme européen, nous n’abordons pas les problématiques par l’approche carbone en soi, il y a des spécialistes pour cela. Par rapport aux questions auxquelles nous sommes confrontées quotidiennement, cela serait voir le problème par le petit bout de la lorgnette. Au contraire nous intégrons de front la circularité des modèles opérationnels, et ce, en les considérant dans leur écosystème.  

Le résultat s’inscrit ainsi dans la durée, dans la justification économique et environnementale d’un modèle opérationnel qui améliore sa pérennité. Nous avons pu confronter nos expériences en la matière dans le domaine industriel lors de la fusion d’un géant de l’acier européen qui est devenu mondial, puis dans la définition et la mise en place de programmes publics. Cette dimension de circularité nous est essentielle et fait partie de notre clé d’analyse et de décision.

Au niveau social, nous nous sommes attachés à ce que nos consultants s’inscrivent dans une vision sociétale. Nous avons même adapté notre charte à cet effet en 2019, sachant que nous favorisons l’implication sociale et politique. Actuellement près de 50 % de nos consultants ont exercé des responsabilités publiques, ce qui les oblige non-seulement à s’intéresser à la question publique, mais à la vivre dans le rapport avec les concitoyens, à l’instar de nos clients.  

L’ouverture d’esprit et la diversité sont pour nous des évidences compte-tenu des environnements de travail qui sont les nôtres, mais notre définition de la diversité ne se limite pas à une vision « Netflix » des choses, à savoir que nous valorisons non-seulement les éléments atypiques des parcours, mais aussi les expériences qui renforcent la flexibilité sociale.

En termes de résilience, nous avons été directement à la manœuvre lors de la crise de 2008 au Moyen Orient avec trois fonds d’immobilier touchés pendant la crise immobilière de Dubaï et en devant remercier, en un mois, près de la moitié des collaborateurs d’un coutier international pour lui assurer sa survie (maintenant il va bien, merci pour lui). Nous avons travaillé dans des pays politiquement instables (Serbie, Bosnie, Irak, Liban, Caucase, Libye) ou chaque décision peut être remise en cause par une circonstance extérieure à tout instant. Anticiper la possible survenance de ces événements exogènes et développer sa capacité stratégique ou tactique de réaction dans de tels cas fait partie des attentes qui sont placées en nous par nos clients.

Dès lors, nous comprenons et soutenons parfaitement cette approche de renforcement de la résilience prônée par les acteurs européens.

Votre vision de l’économie dans 10 ans. Pouvez-vous nous citer 3 progrès à réaliser ?

Nous pensons que trois axes d’amélioration sont à engager, le premier est l’amélioration de l’agilité économique. Nous avons pu observer qu’en cas de gros chocs (2008, Franc fort, Non à l’EEE), l’économie suisse trouve avec les relais politiques et institutionnels, la capacité à s’adapter. Par contre nous remarquons également que lorsque les choses vont bien, elle n’a pas cette culture de la remise en question. Les cycles d’amélioration s’accélérant, il faudra adapter coute que coute la capacité même de l’économie à cette nouvelle vélocité du changement.

Le deuxième axe va être, paradoxalement pour le pays des banques, l’amélioration du système financier pour l’économie. Dès lors que l’on parle de transmission d’entreprise, de financement de projets ou de financement d’expansions à l’étranger ou encore de projets numériques pour des PME, ce ne sont plus nos banques que l’on trouve autour de la table mais des investisseurs chinois travaillant de manière coordonnée, ou des fonds de private equity français ou anglo-saxons. Cela signifie que les banques se sont éloignées du marché de financement complexe, alors que les étapes clés de gouvernance des sociétés se font précisément au travers de ce type de financement. Les banques suisses doivent désormais se remettre à l’écoute des besoins effectifs des entrepreneurs suisses.

Enfin, le troisième axe que nous identifions concerne l’adaptation des modèles opérationnels et des chaînes de valeur en y intégrant l’IA dans l’équation. Non seulement les éléments complexes vont devoir être redéfinis et le niveau de compétition va drastiquement changer avec ces éléments, mais l’IA va également resegmenter la chaîne de valeur. La seule question est de savoir si le rythme d’adoption dans les domaines d’application sera suffisant. Pour rappel, en 73 Kissinger avait réduit les dimensions stratégiques fondamentales pour les USA dans une compétition qu’il entrevoyait déjà avec le Chine et c’était la langue et le système judiciaire (philosophie du droit), il a indiqué récemment qu’il devait en rajouter une … l’IA. 

Pourquoi soutenez-vous Valais Network ?

Nous offrons actuellement des services à 9 Conseillers d’Etat en Suisse Romande, avons des bureaux entre le Valais et Genève et avons un métier de contact et de mise en contact pour rendre les choses possibles. De par son positionnement, Valais Network s’inscrit dans la même logique géographique, économique et relationnelle que SwissmeFin…et en plus, on est rarement privé de libation… pour le reste, j’ai pu rencontrer des gens d’autres cercles avec lesquels j’ai pu avoir des moments de partages dans la bonne humeur.

Lorsque Sarah nous a présenté l’avant-projet, quand j’ai vu la manière résolue avec laquelle elle a engagé les choses, je me suis dit qu’elle avait ce refus de capituler qui est intrinsèque à tous les entrepreneurs… un refus de capituler qui a résonné en moi et qui m’a poussé à vouloir faire partie de cette aventure qu’est le Valais Network.