Durabilité au coeur des entreprises : un impact positif sur la société et l’environnement

Comment les leaders d’aujourd’hui peuvent et doivent se mobiliser pour transformer leurs organisations et leur environnement en véritables acteurs du changement durable ?

Jonathan Normand, expert reconnu et orateur de renom dans les domaines de la durabilité et de l’impact positif, présentera lors du Gala de Verbier, le 26 août, une intervention captivante intitulée: “Leadership Innovant et Humain : Vers une Transition Juste, Inclusive et Régénérative”. Il est effectivement l’un des 6 entrepreneurs mis à l’honneur lors du Gala qui aborderont les modèles d’avenir des entreprises.

Depuis 2017, Jonathan fonde et dirige B Lab Suisse depuis 2017, une organisation d’utilité publique promouvant les outils de mesure d’impact socio-environnemental et la certification B Corp. Parmi les entreprises bénéficiant de la certification B Corp se trouvent par exemple Nespresso ou encore Raiffeisen. Jonathan est également l’architecte et initiateur du programme national d’engagement pour des entreprises durables “Swiss Triple Impact”  et contribue à la recherche académique pour une économie inclusive, circulaire et régénératrice. Interview.

Pourriez-vous nous expliquer la mission de votre organisation ?

Depuis notre fondation en 2006, nous avons été guidés par la conviction qu’une autre économie était non seulement possible, mais nécessaire. Nous pensons que les entreprises ont le potentiel de mener la transition vers un nouveau modèle centré sur les parties prenantes. Avec l’ensemble des entreprises qui composent le B mouvement, nous nous efforçons de faire évoluer l’économie mondiale d’un système qui ne profite qu’à une minorité vers un système qui bénéficie à tous.

B Lab s’est rapidement imposé comme un organisme de certification des B Corporations, regroupant aujourd’hui plus de 6’800 entreprises à travers le monde, toutes déterminées à améliorer leur performance sociale et environnementale et à adhérer aux normes élevées de transparence que nous élaborons. Cependant, notre impact s’étend bien au-delà de la certification B Corp. En effet, nous catalysons un véritable mouvement, à travers des programmes et des actions collectives. Nous sommes engagés dans le développement de normes et de standards, ainsi que dans la création d’outils que nous mettons gratuitement à la disposition de tous, conformément à notre mission d’intérêt public. 

En Suisse, notre programme national, le Swiss Triple Impact, rassemble plus de 400 entreprises engagées à construire des plans d’action mesurables en toute transparence, et dans un esprit de collaboration. Nos initiatives académiques et de formation ont touché plus de 4000 personnes. En 2023, nous avons lancé une proposition visant à créer un statut juridique spécifique permettant aux entreprises durables d’être reconnues par le législateur et d’accéder à des incitations spécifiques.

A qui la certification est-elle destinée ?

La certification B Corp s’adresse aux entreprises lucratives qui s’engagent à maintenir des standards élevés en matière de performance sociale et environnementale. La certification est universelle : elle est accessible à toutes les entreprises, indépendamment de leur taille ou de leur secteur d’activité.

Toutefois, certaines entreprises, telles que celles ayant moins d’un an d’existence, celles liées à d’autres entités, ou les grandes multinationales et les entreprises publiques, sont soumises à des critères d’évaluation et des exigences supplémentaires. Il est important de souligner que certaines entreprises opérant dans des secteurs controversés peuvent faire l’objet de contrôles supplémentaires et peuvent, en fonction des résultats de ces contrôles, se voir refuser l’éligibilité à la certification. Cette précision a pour but d’assurer que la certification B Corp reste un marqueur fiable de l’engagement et du respect des normes de performance sociale et environnementale les plus rigoureuses.

Combien d’entreprises sont au bénéfice de votre certification et combien sont en cours d’obtention ?

À ce jour, nous comptons plus de 6’800 entreprises certifiées B Corp à travers le monde, réparties dans 90 pays et représentant plus de 160 secteurs d’activités. Parallèlement à ces entreprises certifiées, environ 7’000 autres sont en cours de certification. Il s’agit de milliers d’organisations avec des modèles d’entreprise uniques, des tailles différentes et qui opèrent dans des secteurs et industries variés. La majorité d’entre elles (96 %) sont de petites ou moyennes entreprises, dont de nombreuses entreprises individuelles et une poignée de multinationales (environ 90 B Corps) – qui ont dû franchir bien des obstacles supplémentaires pour réussir à être certifiées.

En Suisse,  280 B Corps sont actives, dont 100 sont des entreprises suisses mais nous animons un réseau beaucoup plus large composé des entreprises en cours de certification ou encore les participants à notre programme Swiss Triple Impact. 

Toutefois, l’approche B Corp va bien au-delà de la simple délivrance d’une certification. C’est un cadre que nous proposons à toutes les entreprises désireuses de mesurer et d’améliorer de manière concrète et structurée leur impact. L’outil B Impact Assessment est mis gratuitement à la disposition de toutes les entreprises, même celles qui ne visent pas nécessairement l’obtention de la certification.

Depuis l’établissement de B Lab en 2006, plus de 300 000 entreprises ont utilisé ou utilisent actuellement l’outil B Impact Assessment ; plus de 10 000 ont adopté la gouvernance orientée vers les parties prenantes ; 20 000 ont postulé pour la certification B Corp ; et 6 800 ont été certifiées jusqu’à présent.

Quelles sont les principales faiblesses et forces que vous constatez en matière sociétale et environnementale au cœur des entreprises suisses ?

Les entreprises suisses se trouvent au cœur de défis importants en matière sociétale et environnementale. Tout d’abord, malgré des progrès significatifs, certaines entreprises suisses ne sont pas encore pleinement conscientes des implications environnementales et sociétales de leurs activités. Cela se traduit par une inaction qui les expose à des attentes grandissantes de la part des citoyens. Ensuite, la transition vers des modèles d’affaires plus durables et responsables, tels que l’inclusivité, la circularité et l’équité, est souvent perçue comme coûteuse et complexe. Cette perception conduit de nombreuses entreprises à se montrer réticentes à entreprendre ces changements. Enfin, les entreprises suisses rencontrent des difficultés à mesurer précisément leur impact social et environnemental. Cette incapacité à quantifier de manière précise leur empreinte entrave leur capacité à élaborer des plans d’amélioration efficaces et à rendre compte de leurs progrès de manière crédible. 

Mais au-delà de ces faiblesses, il y a aussi de nombreuses forces ! Tout d’abord, la Suisse se distingue par sa capacité d’innovation remarquable et son esprit entrepreneurial. Ces qualités peuvent être mobilisées pour concevoir de nouvelles solutions répondant aux défis actuels. De plus, le pays bénéficie d’un réseau dense d’universités et d’institutions d’enseignement supérieur. Ils contribuent à la création de nouveaux métiers et compétences essentiels à la transition vers une économie plus durable et résiliente. Enfin, on constate une demande croissante de responsabilité de la part des parties prenantes des entreprises suisses, notamment des clients, des employés et des investisseurs. Cet engagement offre un levier puissant pour améliorer la performance sociétale et environnementale des entreprises. 

Quels sont les modèles d’entreprise tournés vers l’avenir qui vous inspirent ?

Il y a quelques modèles d’entreprise vraiment passionnants qui se démarquent et qui sont une véritable source d’inspiration pour moi. Je trouve les entreprises à but et fondation actionnaires vraiment fascinantes. Ce sont des entreprises qui ont une raison d’être centrée autour d’une mission sociale ou environnementale. Elles ne sont pas seulement motivées par la recherche de profit, mais elles cherchent également à avoir un impact positif sur la société et l’environnement. Un exemple qui me vient à l’esprit est Patagonia dans le domaine de l’habillement ou encore les jus de fruits Opaline. Ce qui est vraiment intéressant, c’est qu’elles intègrent cette mission dans leur gouvernance et leur stratégie, ce qui leur permet d’allier performance économique et contribution positive à la société et à l’environnement.

Ensuite, il y a les entreprises de l’économie circulaire. Ce sont des entreprises qui repensent complètement leur chaîne de valeur. Elles cherchent à éliminer les déchets et à minimiser leur impact environnemental. Elles conçoivent leurs produits de manière à faciliter leur réparation, leur réutilisation ou leur recyclage, et elles utilisent autant que possible des matériaux recyclés ou renouvelables. Des entreprises comme Kampos, Fairphone ou Baabuk illustrent bien cette démarche. 

Enfin, il y a les entreprises autogérées. Celles-ci ont adopté un modèle de gouvernance qui donne une large autonomie à leurs salariés. Elles ont souvent des structures hiérarchiques très plates et encouragent la prise de décision collective. Des entreprises comme Loyco ou LIIP sont de bons exemples de ce modèle. Ce qui est intéressant ici, c’est que ce modèle donne une plus grande responsabilité et un plus grand pouvoir d’initiative aux salariés, ce qui peut améliorer à la fois leur bien-être au travail et la performance de l’entreprise.

Quels sont les projets majeurs à venir pour B Lab visant à soutenir le secteur privé et à stimuler des changements à grande échelle ?

L’un de nos projets majeurs vise à favoriser l’évolution du cadre juridique suisse. Notre idée fondatrice est de mettre en place un capitalisme orienté vers les parties prenantes, avec une gouvernance claire et un cadre juridique qui sécurise la mission de l’entreprise. Cette mission va au-delà de la simple recherche du profit, elle intègre également la prise en compte de la société, de l’intérêt général et de la préservation de la planète.

Lorsqu’une entreprise obtient cette certification, elle s’engage à intégrer dans ses statuts juridiques une mission allant au-delà du profit et à poursuivre des objectifs durables. Jusqu’à présent, plus de 30 000 entreprises à travers le monde ont modifié leurs statuts en ce sens. C’est une véritable évolution du cadre juridique qui place la durabilité au cœur des préoccupations des entreprises.

En novembre 2022, nous avons lancé en Suisse le projet “Responsabilité pour une Transition Juste”. L’objectif de ce projet est d’identifier et de clarifier, dans le cadre juridique suisse, les conditions permettant de valoriser les entreprises durables. Nous travaillons activement à définir les exigences de transparence auxquelles les entreprises suisses devront se conformer, en lien avec les réglementations en cours telles que la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et le devoir de vigilance.

Ces nouvelles obligations vont couvrir l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement et le bien-être des collaborateurs. Elles vont redéfinir la “licence pour opérer” dans l’économie. En d’autres termes, pour continuer à opérer sur le marché européen, les entreprises suisses devront se plier à ces nouvelles exigences.

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